Enonciation et corps sensible. Poétique de la parole chez Michel de Montaigne

Résumé

La relation entre le discours en acte et le corps sensible conduit à envisager une phénoménologie énonciative. Afin d'en appréhender les conditions sémiotiques, on se propose ici, tout d'abord, de développer l'hypothèse d'une analyse tensive de l'énonciation. Cette approche permet de montrer que le paramètre sensible traverse les trois composantes personnelle, interpersonnelle et impersonnelle du discours en acte, tout en assurant leur coexistence et leur lien. L'hypothèse est ensuite développée et éprouvée dans l'analyse concrète de l'énonciation chez Montaigne.

Un de ses caractères essentiels est précisément d'articuler l'indistinction énonciative, qui souligne la co-énonciation issue de la praxis comme notre condition de fait, avec l'incarnation énonciative, où la parole propre et le corps éprouvant entrent en interaction. L'analyse du traitement argumentatif de la gravelle, maladie dont Montaigne souffrait, illustre ce dernier aspect et cherche à réactiver l'enjeu énonciatif de la prosopopée. L'efficacité même du discours sur la sensibilité somatique conduit en retour à poser l'exigence de la sensibilisation de la parole, c'est-à-dire de la poéticité