“Dos pour une moitié et quatre pour un réal, en regardant le temps qui est très fatal” : l’annonce en sémiosis musicale de Silvestre Revueltas

Résumé

La génération d’artistes post-révolutionnaires qui inclut Silvestre Revueltas faisait face à un conflit dans la facture et la communication de leur art : d’un côté, suivre l’impulsion moderniste qui tendait vers une sorte d’émancipation de la matière artistique et, de l’autre, trouver la façon de placer dans leur art un message idéologique en accord avec les diverses expectatives sociales de l’époque. Ce second but tendait à miner, voire à annuler le premier, particulièrement dans le terrain de la musique, qui est symbolique et polysémique par nature, et suffisamment inutile pour articuler des contenus idéologiques. Revueltas renonce d’amblée à la deuxième inquiétude, en incorporant à sa musique un para-texte verbal qu’il publie dans le programme de concert, qui se charge, bien que de façon subtile parfois, de fournir le code nécessaire à une interprétation idéologique de la composition musicale, et qu’il convient de comprendre, par conséquent, comme une partie de l’acte performatif. Ce para-texte libère Revueltas de la nécessité d’avoir recours aux stratégies « figuratives » de ses collègues pour valider politiquement et socialement son art, et qui consistent en une réutilisation de caractère principal des matériaux conventionnels, presque toujours des citations plus ou moins littérales extraites de la musique populaire. Dans Esquinas, Revueltas part d’un matériel source qui comprend politiquement le signifié du refrain populaire. Moyennant un exercice sophistiqué de transposition sémiotique, il extrait du geste refrain un geste musical qui deviendra un discours musical très particulier et moderne, tout en restant politique.